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Jacques Cartyeah
31 juillet 2012

"La loi spéciale, on s'en calisse !!!"

Ca chauffe ici.

Pour resituer, le gouvernement de Jean Charest (premier ministre québécois) essaie de faire passer depuis le début de l’année un quasi doublement des frais d’inscription à l’université en un laps de temps très court (3 ans, si j’ai bien compris).

Grogne immédiate et légitime du milieu étudiant, à laquelle le gouvernement a répondu par un mépris assez impressionnant. C’est comme ça, pis c’est tout.

La montée en puissance de la contestation a été progressive depuis le mois de février, et le mouvement vient de fêter ses 100 jours, ce qui est très rare au Québec.

D’un point de vue de français, ce mouvement me fait penser à celui que nous avions connu en 2006 (6 ans déjà !! Ca donne un bon coup de bambous dans les jambes !! Elles sont loin, nos manifs et nos blocages de facs !!) pour le CPE. A savoir que le mouvement est parti du milieu étudiant, qui est de plus en plus paralysé (de nombreuses sessions d’examens ont été ajournées), et qu’il s’étend progressivement.

 

La meilleure preuve est la manifestation dans laquelle j’ai été prise une heure à peine après mon arrivée ici, mercredi. Des manifestations (pardon, des « parades ») sont organisées de manière « traditionnelle » en ville la journée, mais un prof de fac de Montréal a eu l’idée de ressortir une méthode d’expression datant des années 70, sous la dictature de Pinochet : les personnes ne pouvant pas manifester la journée sont conviées à exprimer leur mécontentement tous les soirs à partir de 20h précises, en tapant sur des casseroles.

À peine le temps de jeter mes valises à mon arrivée que des bruits de casseroles se font entendre. Mélissa, ma coloc québécoise, bondit nous chercher 2 casseroles, et je me retrouve à tambouriner sur une casserole 45 minutes après mon arrivée à la coloc. Rock’n roll.

 

Voyant des gens passer devant chez nous par grappes, avec leur casseroles et leur petit morceau de tissu rouge (symbole de la contestation), nous décidons de barrer la porte et d’aller voir ce qui se passe dans le quartier. Des groupes de 2, 3, 5, 10 personnes sont un peu partout sur les trottoirs, de tous âges. Les plus anciens restent à leur fenêtre, à observer les plus jeunes manifester, ou à participer en tambourinant sur une casserole depuis leur porte ou leur fenêtre !!

Un mouvement semble se dessiner, et nous aboutissons à un carrefour, où le trafic des voitures est assez intense. Les manifestants commencent à traverser en respectant les feux de signalisation (la rigueur alsacienne est battue à plate couture), se croisant, faisant le tour du carrefour plusieurs fois. (voir sur la photo suivante et le film… Quand j’aurai réussi à comprendre comment compresser un film pour respecter les critères de taille)

Quelques instruments de musique et pas mal de montages improbables pour faire le plus de bruit possible sont autour de nous, et donnent à plein volume : les tympans subissent un traitement comparable à un concert de rock !!

 

Lassé de tourner en rond, la manifestation se regroupe au centre du carrefour, toujours en ménageant un passage aux voitures qui continuent de circuler. C’est une des choses qui m’a frappé dans ce mouvement : le respect entre manifestants et non-manifestants. La manif, bien que devenue assez grosse, ménage toujours un passage aux voitures, qui ne bronchent pas d’un poil, même si la circulation est de plus en plus difficile. Pas un klaxon (ou alors, c’est un soutien d’un retardataire qui n’a pas eu le temps d’aller chercher sa gamelle), rien.

Le respect général des québécois est vraiment frappant. Tu ne manifestes pas, même si tout ton quartier est dehors ? C’est ton choix, et personne ne va venir t’importuner, te gueuler dessus parce que tu fais ton planqué. Dans l’autre sens, les non-manifestants ne hurlent pas contre ceux qui font du bruit, même quand la manifestation passe devant une maison de personnes agées.

De même, alors que la nuit tombe progressivement, et que notre manifestation se laisse englober par une autre qui arrive d’un quartier voisin, nous sommes plusieurs centaines et bientôt des milliers à être dans la rue, et je ne vois aucun débordement. Que des sourires autour de nous, des enfants, des vieux, des grands, des petits, des moches, des beaux, mais tous souriants. Des habitants nous encouragent depuis leur balcon, et brandissent des drapeaux québécois et le drapeau des patriotes. Pas un réverbère pris d’assaut, pas un rétro pété, pas un mec bourré juste là pour foutre le bordel, rien. Que de la revendication ferme dans la bonne humeur.

 

Après avoir tourné, retourné, re-retourné dans notre quartier, et m’avoir offert du même coup un rapide tour de mon nouveau lieu de vie, Mélissa et moi décidons de faire demi-tour, car nous sommes loin de la maison, la nuit est tombée, il est tard, je suis épuisé, mes mollets sont en compote, et je ne parle même pas de mes conduits auditifs !! Au moment de revenir sur nos pas, une passante d’une soixantaine d’années nous confie qu’elle n’avait pas vu ça depuis 40 ans. Et se retourne vers la manif pour les encourager, en trépignant et en hurlant comme une gamine. Impressionnant.

Ca chauffe ici.

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Commentaires
Jacques Cartyeah
  • Après y avoir réfléchi pendant plusieurs années, me voilà rendu en terre québecoise pour de bon !! Lecteur, voici mon devoir de mémoire pour cette année à venir. Ou peut-être plus... "On va bien voir"
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